Le 22 juin 1863, Eugène Delacroix écrivait dans son Journal : « Le premier mérite d'un tableau est d'être une fête pour l'œil. » Cette citation est souvent évoquée par Stefan Szczesny lorsqu'on lui demande d'expliquer sa démarche artistique, laquelle se caractérise par la volonté de construire un langage plastique qui s'élabore – comme le décrit Friedrich W. Kasten – à partir de la « légèreté de la main, du geste » du peintre et de la « rigueur de son processus de création ». Les œuvres naissant de ce processus créatif sont le fruit d'un savant équilibre. L'usage de couleurs riches et lumineuses associées à des juxtapositions subtiles de lignes et de formes figuratives généreuses permettent ainsi une unité dynamique, une mise en mouvement de l'espace pictural finement structuré sur lequel l'artiste déploie son iconographie singulière, où s'entremêlent, en une succession de transparences, les références à l'histoire de l'art, ses rencontres, ses rêves et ses souvenirs de voyages. Le travail de Stefan Szczesny est comme un microcosme en métamorphose constante, fait de « transitions progressives », qui synthétise à la fois sa mémoire d'homme et sa vision du « Paradis terrestre », d'un monde harmonieux, lumineux, sensuel et baigné de bonheur.
La Méditerranée en héritage
Son idéal du « Paradis terrestre », Stefan Szczesny le puise avant tout dans son amour inconditionnel de la Méditerranée, en particulier pour Saint-Tropez, où il s'est définitivement installé en 2001, après avoir, depuis sa plus tendre enfance, passé une grande partie de ses étés avec sa famille à la Bastide Blanche, à la Croix-Valmer. La richesse des paysages et de sa végétation, son climat doux et agréable, ses couleurs, ses odeurs, la mer ainsi que l'histoire et les racines culturelles méditerranéennes le passionnent. Durant son adolescence, il parcourt la Côte d'Azur en compagnie du philosophe allemand Ludwig Marcuse (1874 – 1971), ami proche de son père, l’écrivain Gerhard Szczesny (1918 – 2002), et marche sur les traces de Paul Signac, d'Henri Manguin, de Francis Picabia, de Nicolas de Staël, de Pablo Picasso et d'Henri Matisse dont la pureté de la Chapelle du Rosaire, à Vence, l'inspire et le bouleverse tout particulièrement.
En 1975, dans le cadre d'une année d'études à l’École des Beaux-Arts de Paris, l'artiste redécouvre le travail d'Eugène Delacroix, de Claude Monet et de Paul Cézanne. Il admire les œuvres de l'antiquité gréco-romaine et des peintres italiens, notamment de Giotto et de Piero della Francesca, lors de ses séjours successifs à la Villa Romana, à Florence, puis – en tant que lauréat de l'Académie des Arts de Berlin – à la Villa Massimo, à Rome, au début des années 1980. Fondateur des « Nouveaux Fauves » - die Neuen Wilden - en Allemagne en 1981, il se rapproche de l'esthétique des peintres Fauves et des toiles tourmentées des Expressionnistes allemands. Cependant, son coup de pinceau dense et sombre se libère progressivement. Au cours des années 1990, sa palette de couleurs évolue, s'éclaircit dans des contrastes aux couleurs primaires. C'est à la suite de sa rencontre avec sa femme Eva puis de son séjour à New York et ses nombreux voyages dans les Caraïbes et sur l'île Moustique, puis de son installation dans le Sud de la France, qu'il s'oriente vers l’utilisation de la couleur pure comme structure principale de son œuvre. Dans l'esprit de Matisse, il aime « dessiner dans la couleur ». Ses peintures et ses sculptures monumentales sont d'ailleurs la réalité de cette volonté de revenir à une simplification au sein de ses compositions rythmées par un jeu d'aplats qui s'accordent aux couleurs primaires, et qui apportent aux formes féminines et végétales, luminosité, relief et profondeur.
Une œuvre célébrant la plénitude de la vie et porteuse d'espoir
Son talent de coloriste et d'artiste pluridisciplinaire – le plasticien travaille également pour des projets architecturaux d'envergure et explore différentes techniques et médiums comme la céramique et le verre – associé à une énergie créatrice inébranlable et à une approche multiculturelle et positive, contribuent à sa renommée internationale.
Son engagement pour la vie vaut à Stefan Szczesny d'être choisi, en 2000, par le Fonds Mondial pour la Nature (WWF), dans le cadre du Living Planet Project à l'occasion de l'Exposition Universelle qui se tient, cette année-là, à Hanovre. À l’occasion de cette manifestation internationale, il crée, en collaboration avec Villeroy & Boch et l'Atelier d’Art Peter Thumm (Grimaud), une Carte du Monde et de la Vie composée de 12 tableaux monumentaux en céramique, représentant les différentes écorégions de la planète répertoriées par le WWF et nécessitant d'être préservées.
Dans l'esprit et la continuité de ce projet, Stefan Szczesny est chargé, en 2021, d'illustrer les « 17 Objectifs de développement durable (ODD) » des Nations Unies, à la fois sur des toiles et sur des voiles conçues pour 17 voiliers de la Deutsche Segel-Bundesliga qui prennent part à une grande régate - la Sailing Art – qui sillonnera la planète jusqu'en 2030 et dont le coup d'envoi a été donné à Monheim, en Allemagne, le 22 Août dernier. Cet événement exceptionnel – intitulé #Art4GlobalGoals – parrainé par l'UNESCO et réalisé en collaboration avec la Galerie Geuer & Geuer et la You Foundation à Düsseldorf, s'accompagnera d'une tournée mondiale d'expositions et de régates : ses toiles seront présentées le 26 septembre 2021 au Musée Ludwig de Koblenz (Allemagne) conjointement au cheminement prévu de la régate qui accostera ensuite, en 2022, à Lausanne, à New York, à la Biennale de Venise ainsi qu'aux Voiles de Saint-Tropez. Cette manifestation internationale intervient à la suite de la performance remarquée de l'artiste sur l'Île de la Mainau en 2007, de sa grande rétrospective au Palais des Papes à Avignon en 2014, de son installation de sculptures à la Citadelle de Saint-Tropez en 2017 et de la mise en scène de ses œuvres aux Baux-de-Provence en 2019.
Peintures et sculptures sous le soleil de Saint-Tropez
En 2020, Stefan Szczesny a mis à profit la période de confinement pour explorer de nouveaux médiums comme, par exemple, sa série de trente planches de surf qu’il peint et conçoit en partenariat avec le champion du monde de planche à voile, Frank Maas.
Cette même année, il crée le Fonds de dotation Szczesny Art Foundation – Saint-Tropez qui lui consacre, cet été, sa première exposition de douze sculptures monumentales installées au cœur de la végétation luxuriante du Parc du Château de la Moutte, domaine acquis jadis par l’homme d’état français, écrivain et Académicien, Émile Ollivier (1825-1913), à Saint-Tropez.
En parallèle, à la Salle Jean Despas, le plasticien présente au public une sélection de sculptures et de peintures de grands formats qu'il a réalisées au cours des vingt dernières années dans son Atelier des Salins. Au travers de cette exposition, on observe l'évolution progressive de sa palette, son utilisation de la couleur pure, aux tons primaires étincelants, et également son cheminement stylistique, au fil des années, qui tend à un minimalisme, à une pureté de la spatialisation de son oeuvre évoquant son quotidien méditerranéen et témoignant du lien étroit qu'il entretient avec la Cité de Saint-Tropez qui incarne sa vision du « Paradis terrestre ». Une manière pour lui de rendre un vibrant hommage à sa ville d'adoption qui lui est si chère, de par sa beauté et sa situation géographique, son histoire, sa culture, ses traditions, son ouverture sur le monde et sa douceur de vivre dans la lumière.
Céline Seidler-Bahougne, in Szczesny : Peintures et Sculptures sous le soleil de Saint-Tropez - Journal, publication consacrée à l'exposition organisée à la Salle Jean Despas, Saint-Tropez, du 1er au 17 octobre 2021.
Vues de l'exposition à la Salle Jean Despas, Saint-Tropez.
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L'intégralité du Journal est consultable sur Calaméo, via le lien suivant :
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